Marie Aurore de Saxe

Aurore Dupin enfant
1810, Pastel, 19 x 18 cm
Musée de la Vie Romantique
Ce portrait de George Sand enfant, elle a ici 6 ans, réalisé par sa grand-mère, nous incite à tenter de parcourir sa généalogie, souvent fruit d'amours adultérines qui mêlent la basse condition et le sang royal.

Pastel sur papier beige
Commençons par Frédéric-Auguste de Saxe (1670-1733), prince-électeur de Saxe sous le nom de Frédéric-Auguste 1er, élu
roi de Pologne en 1697 sous le nom de Auguste II (ci-contre, source Portail Gazette Drouot).
Pour devenir roi de Pologne (et Grand-duc de Lituanie) il avait dû se convertir au catholicisme, ce que refusa son épouse
Christiane Eberhardine de Brandebourg-Bayreuth qui donc ne le suivit pas en Pologne, un héritier était toutefois né de
cette union, qui sera lui aussi prince-électeur de Saxe sous le nom de Frédéric-Auguste 2 et élu roi de Pologne sous le
nom de Auguste III.
Retour au 18è.
C'est pour les funérailles d'Eberhardine en 1727 que Bach composa son
Ode funèbre Cantate BWV 198.

Auguste II, seul en Pologne, accumula les maîtresses dont il eut plus d'une dizaine d'enfants, adultérins donc.
Il entretint en particulier une liaison avec la comtesse Marie-Aurore de Kœnigsmark (ci-contre) qui lui donna deux enfants dont Maurice de Saxe (1696-1750) sur qui nous nous attarderons plus loin en sa qualité d'arrière-grand-père de George Sand.
Auguste II fut temporairement chassé du trône de Pologne en 1704 par les suédois et rétabli par les russes en 1709. Entre-temps ce fût le règne de Stanislas Leszczynski, Stanislas 1er (ci-dessous), le père de Marie Leszczynska, reine de France, deuxième épouse de Louis XV (veuf à 17ans), et mère du dauphin Louis-Ferdinand.
Quittons un instant l'ascendance de George Sand pour celle des derniers rois de France.

Pastel sur toile
Auguste III épousa Marie-Josèphe d'Autriche, un mariage fructueux puisqu'ils vont avoir quinze enfants dont Marie-Josèphe qui sera dauphine de France par son mariage avec Louis-Ferdinand, le fils de Louis XV, et mère de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.
Puisque vous suivez toujours, vous avez donc compris que le dauphin de France est le fils de Leczinska et l'époux de
la fille de ses rivaux sur le trône de Pologne. Leurs enfants, les trois derniers rois Bourbons sont donc les fils et
petits-fils de deux familles qui s'affrontent aux confins de la Prusse et de la Baltique.
Notons, au passage, que c'est Leczinski qui introduit l'obésité qui affectera nos derniers souverains.
Nous voila prêts pour une galerie de portraits !
Maurice-Quentin Delatour

La Reine Marie Leczinska
1748, Pastel sur papier, 64 x 54 cm
Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques
© 2005 Musée du Louvre / Martine Beck-Coppola
Avec Delatour tous les visages se ressemblent, il n'avait probablement qu'un croquis dans son carnet et il s'y tenait, en revanche il soigne le costume. Regardons plutôt comment la voit Lundberg.
Gustav Lundberg

Marie Leczinska
vers 1740, Pastel sur papier, 55 x 46 cm
RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
Le portrait est moins flatté. retour à Frey
Maurice-Quentin Delatour

La Dauphine Marie-Josèphe de Saxe
vers 1760, Pastel sur papier, 1,49 x 1,14 m
© Saint-Quentin, musée Antoine Lécuyer, © service des musées de France, 2012
Photo © Blot, © Fuzeau, © Couvée
Vous pouvez voir, le buste de Louis XV de profil, le portrait de Louis-Ferdinand le dauphin au mur et le portrait de la Reine Marie Leczinska en gravure sur la page gauche du livre. L'enfant est probablement le duc de Bourgogne.
Rappelons que le dauphin né de Leczinska et la dauphine née de Auguste de Pologne eurent 8 enfants, 3 filles et 5 garçons :
Marie-Zéphyrine 1750, morte à 5 ans.
Marie-Adélaïde 1759-1802, Reine de Piémont-Sardaigne.
Elisabeth-Philippine 1764, guillotinée en 94.
![]() "Petite Madame" |
![]() "Gros Madame" Clotilde de France |
![]() Madame Elisabeth |
Louis, duc de Bourgogne, l'aîné, très prometteur, mort à 9 ans en mars 1761.
Louis-Xavier, duc d'Acquitaine, mort à 1 an.
Louis-Auguste, duc de Berry, qui sera dauphin en 65 puis Louis XVI en 74.
Louis-Stanislas, comte de Provence, qui sera Louis XVIII de 1814 à 1815 puis de 1815 à 1824. (compte tenu de l'intervalle des Cents-Jours)
Charles-Philippe, comte d'Artois, qui sera Charles X de 1824 à 1830
![]() J.M. Frédou |
![]() F.H. Drouais |
![]() F.H. Drouais |
![]() J.M. Frédou |
Voilà pour la marmaille du Dauphin, une dernière série sur celle de Louis XVI dont seule Mme Royale survivra.
Elisabeth Vigée-Lebrun

Marie-Antoinette et ses enfants
1787 Huile sur toile 2,71 x 1,95 m
Chateau de Versailles RMN © Gérard Blot Daniel Arnaudet Jean Schormans
Marie-Thérèse (Mme Royale 1778-1851) est à gauche, Louis-Charles (Louis XVII 1785-1795) sur les genoux de sa mère, Louis-Joseph (qui fut dauphin 1781-1789) à gauche nous montre le berceau vide où aurait dû se trouver Marie-Sophie (née en 86) qui vient de mourir à 1 an.
J.-Fr. Sompsois ![]() Mme Royale |
Marie-Thérèse ![]() Louis-Charles |
Mme Vigée-Lebrun ![]() Sophie de France |
Sompsois était le professeur de dessin des enfants, il a dû faire le globe et les mains, Marie-Thérèse finissant en copiant sur son propre portrait où elle tient un bâton de pastel.

Maurice-Quentin Delatour
Revenons à notre sujet : l'ascendance de Georges Sand.
Maurice de Saxe, en tant que bâtard, n'a rien à attendre en Pologne, ni en Saxe d'ailleurs. C'est en France qu'il va se
lancer dans la carrière des armes. Avec un succès éblouissant. Il sera le chef incontesté de nos armées, Maréchal de France,
Marie-Josèphe, la dauphine n'y sera pour rien : il est le vainqueur de Fontenoy en 1745, une victoire française sur les anglais
et les hollandais que nous devrions commémorer avec éclat plutôt qu'aller faire semblant de se réjouir lors des
fêtes organisées, sans aucun tact, pour le bicentenaire de Waterloo.
A Paris le quartier de l'Ecole Militaire y a gagné l'Avenue de Saxe et La Place de Fontenoy que des édiles frileux tentent de
rebaptiser Unesco.

"de Verrière"
Parlons des moeurs de ce gaillard. Son père avait tenté de le calmer par le mariage, peine perdue, il divorce. Grand
consommateur d'actrices (Adrienne Lecouvreur en serait morte, empoisonnée par une rivale) il entretient une troupe de
comédiens, le théâtre aux armées, pour le repos du guerrier. A Paris un couple de limonadiers, les Rinteau-Dupuy, a donné
naissance à deux filles fort jolies qui semblent faites pour la comédie. Rinteau les échange contre un poste lucratif
de garde-magasin (si lucratif que Rinteau finira en prison). Maurice s'empresse de déflorer la cadette (Geneviève,
13 ans) et s'éprend de l'aînée (Marie) dont il aura une fille : Marie-Aurore de Saxe 1748-1821.
Les demoiselles Rinteau, qui se feront connaître comme Verrière puis de Verrière, vont finir par tenir maison théâtrale
avec un certain succès.
George dans ses mémoires s'essouffle à démontrer comment, chez ces courtisanes, il n'était pratique que de littérature
et jamais de galanterie.
Si le Maréchal de Saxe ne se préoccupa point du devenir de sa progéniture, la Dauphine, sa nièce, en revanche se soucia de Marie-Aurore qu'elle retira de la garde de sa mère et fit élever à Saint-Cyr avant de la marier à 16 ans, en 1766, avec le comte Antoine de Horn qui meurt en duel quelques temps plus tard.

Pastel anonyme
Mystérieusement la tradition familiale prétend que Horn serait un bâtard de LouisXV et que ce mariage n'aurait jamais été
consommé, sur décision médicale ?
Après la mort du Dauphin suivie en 1767 de celle de Marie-Josèphe, Marie-Aurore désormais sans protection va aller vivre
chez sa mère où elle se convertit au spectacle, mais jamais au grand jamais à la galanterie, si l'on fait semblant de
croire sa petite-fille George. Elle y acquiert cependant quelques fréquentations dont Louis Dupin de Francueil qui
était l'amant de sa tante Geneviève. C'est un riche financier de 33 ans son aîné, qu'après la mort de sa mère en 1775
elle va épouser, un peu clandestinement à Londres début 1777.
Vert, le galant, un fils, Maurice bien sûr, naît, l'année suivante, de cette union qui fut heureuse jusqu'à la mort
de Louis Dupin en 1786. Au décès de son vieil époux Marie Aurore engage, pour son fils, un jeune précepteur nommé
Deschartres, celui-ci ne la quittera plus.
Anonyme

Marie-Aurore de Saxe et son fils
vers 1785, Pastel
Musée de la Vie Romantique / Roger-Viollet
Pendant la Terreur Marie-Aurore est internée pour une histoire de dissimulation de biens, la chute de Robespierre lui permet d'échapper au couperet. Elle acquiert la maison de Nohant et se retire donc dans le Berry.

En 1798, Maurice a 20 ans, il s'engage dans l'armée, Sous-Lieutenant en 1800, Capitaine en 1805, Légion d'Honneur en
1806, il est aide-de-camp de Murat en 1807. Nous avons là un Officier de Cavalerie valeureux qui est de tous les
combats de Napoléon.
Mais voyons ce qu'il en est de sa vie privée.
C'est ici que le vieux fond de médiocrité qui sous-tend cette famille refait surface; un remugle nauséabond s'échappe
parfois de la vase des étangs berrychons.

Marie-aurore de Saxe
Pastel 48,5x33 cm
En 98, avant sa conscription, il engrosse une domestique de Nohant, Catherine Chatiron qui donne naissance à un demi-frère de la future George : Hippolyte Chatiron, qui ne sera pas reconnu mais néanmoins élevé dans une dépendance, avec l'aide du bon François Deschartres, bien sûr.

En 1800, à Milan, il fait la connaissance d'une fille à soldat de 27 ans : Victoire Delaborde, fille mère d'un
premier enfant en 90 puis de Caroline Delaborde (1799-1878).
Désormais Maurice ne la quittera plus. Où il est, elle est. Deschartres, informé, est consterné. Le couple va se marier
en catimini en 1804, peu avant la naissance de leur fille Amantine Aurore Lucile Dupin qui sera George Sand. Nous y voilà.
L'année 1808 voit la naissance d'un second enfant, un fils, Auguste, aveugle, qui décède dans l'année.
1808, année décidément funeste, puisque Maurice, cavalier professionnel se tue sur la route de Châteauroux; chute de cheval.
Aurore Dupin, orpheline à 4 ans, sera élevée par sa grand-mère († 1821) et François Deschartres qui deviendra Maire de Nohant. Elle conservera néanmoins des liens avec sa mère dont elle veillera l'agonie en 1837. Elle restera proche, aussi, de ses demi- frères et soeurs, Hippolyte Chatiron et Caroline Delaborde.
Le parcours promis dans notre propos initial étant achevé il nous reste deux mots à dire sur la descendance de George Sand.
Un fils, Maurice Sand 1823-1889, lui est né de son mariage avec le baron François Casimir Dudevant, une fille également, Solange (1828-1899), dont la paternité est plus douteuse. George au long de sa vie reproduisant la liberté de moeurs que nous avons
vu chez ses ascendants depuis Auguste de Saxe.
George était très admiratrice de Delacroix qu'elle côtoyait, Maurice fut élève du maître, voyez ce tableau fantastique et crépusculaire.
Maurice Sand

Le grand Bissexte
1856, Huile sur toile
Bourges musée du Berry RMN photo Fr.Lauginie
Selon une légende locale ce génie malfaisant, ici les pieds dans l'eau, provoquant la frayeur des paysans, n'apparaît dans les étangs que lors des années bissextiles !